LE CAFE DES VOYAGEURS
Ecriture et mise en scène: Coline Ladetto
Scénographie : Adrien Moretti
Création lumière: José-Manuel Ruiz
Costumes: Nicole Mottet
Maquillage: Virginie Hugo
Jeu: Marika Dreistadt, Anne-Frédérique Rochat, René-Claude Emery, Jean-Baptiste Roybon
Une femme demande chaque année à son cocher d’aller à la gare chercher au hasard un jeune homme afin de le faire dîner avec elle. Ayant perdu son fils lors d’un tragique accident de train, elle revit ainsi chaque année, à la même date, le dîner qu’elle n’a pas pu partager avec son fils. Pourtant, cette année-là le jeune homme que ramène le cocher ressemble énormément, un peu trop, au fils perdu. La femme est fortement troublée.
La pièce se détache très librement de la nouvelle éponyme de l’auteure valaisanne Corinna Bille.. Elle décline le thème de la perte jusqu’à la folie. Cette mère qui nie la mort de son fils n’est pas seulement troublée mais devient folle à la fin de la pièce, hypnotisée par la ressemblance de l’étranger et de son fils. Elle qui avait construit un système (l’utilisation de la troisième personne du singulier au lieu de la première) pour ne pas se séparer du mort au moins une fois par année à l’occasion de ce dîner, se trouve confrontée à la réalité qui lui joue un tour et la brutalise : la ressemblance de l’étranger lui fait croire que son fils est revenu. Sa construction, sa fuite n’étant plus possibles, elle tombe dans la folie.
Scénographie : Adrien Moretti
Création lumière: José-Manuel Ruiz
Costumes: Nicole Mottet
Maquillage: Virginie Hugo
Jeu: Marika Dreistadt, Anne-Frédérique Rochat, René-Claude Emery, Jean-Baptiste Roybon
Une femme demande chaque année à son cocher d’aller à la gare chercher au hasard un jeune homme afin de le faire dîner avec elle. Ayant perdu son fils lors d’un tragique accident de train, elle revit ainsi chaque année, à la même date, le dîner qu’elle n’a pas pu partager avec son fils. Pourtant, cette année-là le jeune homme que ramène le cocher ressemble énormément, un peu trop, au fils perdu. La femme est fortement troublée.
La pièce se détache très librement de la nouvelle éponyme de l’auteure valaisanne Corinna Bille.. Elle décline le thème de la perte jusqu’à la folie. Cette mère qui nie la mort de son fils n’est pas seulement troublée mais devient folle à la fin de la pièce, hypnotisée par la ressemblance de l’étranger et de son fils. Elle qui avait construit un système (l’utilisation de la troisième personne du singulier au lieu de la première) pour ne pas se séparer du mort au moins une fois par année à l’occasion de ce dîner, se trouve confrontée à la réalité qui lui joue un tour et la brutalise : la ressemblance de l’étranger lui fait croire que son fils est revenu. Sa construction, sa fuite n’étant plus possibles, elle tombe dans la folie.
Forme et langage
Les personnages ne parlent pas d’eux-mêmes à la première personne du singulier, ils ne parlent pas en « je », mais principalement à la troisième personne du singulier.
Cette manière de parler montre que les personnages jouent consciemment une pièce, ils jouent et rejouent ce souper voulu par madame Victoire. Cette forme correspond à la fuite de cette mère, au système mis en place pour fuir la réalité.
Le double-jeu déployé par chaque comédien est rendu visible non seulement pour le public mais aussi pour le partenaire de jeu qui en tiendra compte et qui sait donc que son partenaire joue un double-jeu. Le mensonge (verbal) n’existe ainsi plus, car il est montré au partenaire de jeu ainsi qu’au public. L’intérêt des personnages ne sera donc pas seulement de savoir ce qui est juste ou non, la vérité ou le mensonge, mais d’attirer son partenaire dans sa propre réalité subjective.
Cette écriture permet d’observer sur un plateau les choix qui sont à la base de nos actes. Les personnages sont constamment amenés à les décrire. Mais passent-ils vraiment à l’acte ? Ou ne sont-ce que des paroles ? Et pourquoi choisissent-il de passer à l’acte ou non ? Cette écriture nous permet de nous situer à un endroit peu exploré jusqu’ à maintenant sur scène.
Un caractère contemporain
Notre société supprime et exacerbe de plus en plus l’individualisme. Nous sommes constamment sollicités à satisfaire nos envies et cela sans tenir compte de ceux qui vivent avec nous. Nous sommes devenus très égoïstes et revendiquons une expression de nous-mêmes et un besoin de nous épanouir. Cela n’a pas toujours été le cas. Pourtant, de manière paradoxale, l’altérité est gommée, et on nous impose des manières d’être heureux, d’aimer, de vivre. Ainsi certains médias éduquent nos enfants chaque matin en leur transmettant à tous les mêmes informations, non argumentées et flattant des intérêts peu vertueux.
Nous sommes donc pris dans une dynamique schizophrène exigeant la réalisation de soi d’une manière commandée.
Le Café des Voyageurs explore le côté schizophrène de l’individu qui, pris dans une folie collective, développe plusieurs sois afin de se sauver.
Les lignes peintes dans les rues expriment des frontières entre des choses que l’on peut faire et celles que l’on ne doit pas faire. La puissance des lignes est impressionnante alors que celle-ci est facilement franchissable, mais avec comme conséquence l’opprobre de nos concitoyens. La ligne a ainsi une dimension politique. Dans une gare, par exemple, la ligne blanche et continue tracée sur le quai indique jusqu’où on peut aller en toute sécurité. Si on la traverse, on ressent souvent un malaise, de la culpabilité, de la crainte. Nous respectons les lignes et il est intéressant de s’imaginer une ville sans murs, un peu à la façon de Dogville de Lars von Trier, striées de lignes et de symboles.
Dans notre pièce, les lignes sont présentes mais peuvent s’effacer ou se décoller. L’acte de faire disparaître une ligne n’est cependant pas innocent, c’est une transgression de ce qui est imposé à la communauté par la communauté. Les personnages ont donc un rapport émotionnel avec le décor et vont le modifier durant la pièce afin qu’il corresponde mieux à leur subjectivité.
L’imaginaire
L’imaginaire occupe une place importante dans la pièce. Chaque personnage a la permission d’imaginer ce qu’il veut et de le partager avec les autres personnages. Il devient une sorte de créateur, d’auteur. Cependant, 3 autres personnages-auteurs sont sur la scène et il faudra donc composer un souper, une pièce cohérente que tous pourront jouer. Ainsi, si d’aventure un comédien a besoin d’un objet sur scène et le décrit, les autres personnages devront en tenir compte, même s’il est seulement décrit. On peut comparer ce jeu à celui que jouent les enfants en s’inventant des mondes. Les camarades de jeu n’ont aucun problème à entrer dans ces propositions.
Cette manière de parler montre que les personnages jouent consciemment une pièce, ils jouent et rejouent ce souper voulu par madame Victoire. Cette forme correspond à la fuite de cette mère, au système mis en place pour fuir la réalité.
Le double-jeu déployé par chaque comédien est rendu visible non seulement pour le public mais aussi pour le partenaire de jeu qui en tiendra compte et qui sait donc que son partenaire joue un double-jeu. Le mensonge (verbal) n’existe ainsi plus, car il est montré au partenaire de jeu ainsi qu’au public. L’intérêt des personnages ne sera donc pas seulement de savoir ce qui est juste ou non, la vérité ou le mensonge, mais d’attirer son partenaire dans sa propre réalité subjective.
Cette écriture permet d’observer sur un plateau les choix qui sont à la base de nos actes. Les personnages sont constamment amenés à les décrire. Mais passent-ils vraiment à l’acte ? Ou ne sont-ce que des paroles ? Et pourquoi choisissent-il de passer à l’acte ou non ? Cette écriture nous permet de nous situer à un endroit peu exploré jusqu’ à maintenant sur scène.
Un caractère contemporain
Notre société supprime et exacerbe de plus en plus l’individualisme. Nous sommes constamment sollicités à satisfaire nos envies et cela sans tenir compte de ceux qui vivent avec nous. Nous sommes devenus très égoïstes et revendiquons une expression de nous-mêmes et un besoin de nous épanouir. Cela n’a pas toujours été le cas. Pourtant, de manière paradoxale, l’altérité est gommée, et on nous impose des manières d’être heureux, d’aimer, de vivre. Ainsi certains médias éduquent nos enfants chaque matin en leur transmettant à tous les mêmes informations, non argumentées et flattant des intérêts peu vertueux.
Nous sommes donc pris dans une dynamique schizophrène exigeant la réalisation de soi d’une manière commandée.
Le Café des Voyageurs explore le côté schizophrène de l’individu qui, pris dans une folie collective, développe plusieurs sois afin de se sauver.
Les lignes peintes dans les rues expriment des frontières entre des choses que l’on peut faire et celles que l’on ne doit pas faire. La puissance des lignes est impressionnante alors que celle-ci est facilement franchissable, mais avec comme conséquence l’opprobre de nos concitoyens. La ligne a ainsi une dimension politique. Dans une gare, par exemple, la ligne blanche et continue tracée sur le quai indique jusqu’où on peut aller en toute sécurité. Si on la traverse, on ressent souvent un malaise, de la culpabilité, de la crainte. Nous respectons les lignes et il est intéressant de s’imaginer une ville sans murs, un peu à la façon de Dogville de Lars von Trier, striées de lignes et de symboles.
Dans notre pièce, les lignes sont présentes mais peuvent s’effacer ou se décoller. L’acte de faire disparaître une ligne n’est cependant pas innocent, c’est une transgression de ce qui est imposé à la communauté par la communauté. Les personnages ont donc un rapport émotionnel avec le décor et vont le modifier durant la pièce afin qu’il corresponde mieux à leur subjectivité.
L’imaginaire
L’imaginaire occupe une place importante dans la pièce. Chaque personnage a la permission d’imaginer ce qu’il veut et de le partager avec les autres personnages. Il devient une sorte de créateur, d’auteur. Cependant, 3 autres personnages-auteurs sont sur la scène et il faudra donc composer un souper, une pièce cohérente que tous pourront jouer. Ainsi, si d’aventure un comédien a besoin d’un objet sur scène et le décrit, les autres personnages devront en tenir compte, même s’il est seulement décrit. On peut comparer ce jeu à celui que jouent les enfants en s’inventant des mondes. Les camarades de jeu n’ont aucun problème à entrer dans ces propositions.
La continuité d’une recherche
Le Café des voyageurs est la suite d’un premier spectacle, Sibyl Vane. Il représente le deuxième volet de notre recherche sur la narratologie au théâtre. En effet, nous rediscutons des limites entre la forme théâtrale et la forme romanesque. Nous pensons qu’elles peuvent être appréhendées différemment.
Le premier spectacle traitait du roman d’Oscar Wilde, le Portrait de Dorian Gray. Le texte n’avait pas été modifié et donc nous avions plusieurs personnages et un narrateur à incarner. Notre but était de faire oublier aux spectateurs le narrateur et d’intégrer celui-ci aux paroles des personnages.
Exemple :
La parole est à Lord Henry qui vient d’apprendre que Dorian est amoureux.
- De qui êtes-vous amoureux ? demanda Lord Henry après un silence.
- D’une actrice, dit Dorian Gray en rougissant.
Lord Henry haussa les épaules « Voilà un début fort banal. »
Le personnage de Lord Henry, par exemple, prononcera la totalité « De qui êtes-vous amoureux ? demanda Lord Henry après un silence », le « demanda Lord Henry après un silence » étant joué et adressé comme s’il faisait partie intégrante de la réplique du personnage.
Le personnage crée ainsi une distance avec lui-même. Il est capable de s’observer et d’avoir une réflexion sur lui-même. Il n’est plus dépendant du narrateur car il l’a intégré. Et ainsi, nous avions rendu le texte dramatique en opérant une transformation afin que le texte soit disponible pour la scène, non pas par une réécriture, mais par une vision différente du personnage.
Pour le Café Des Voyageurs, le point de départ est inverse : nous partons d’une pièce de théâtre en y intégrant des éléments de l’art romanesque. Cependant, notre problématique est la même que pour le précédent spectacle : redéfinir les limites de la forme romanesque et de la forme théâtrale et par là-même explorer une nouvelle voie d’expression théâtrale afin de mieux représenter l’identité des êtres humains. Notre envie est de découvrir des écritures, des artifices théâtraux afin d’être au plus près du naturel humain car il ne suffit pas d’être naturel au théâtre pour que la vie soit représentée, bien au contraire.
Le premier spectacle traitait du roman d’Oscar Wilde, le Portrait de Dorian Gray. Le texte n’avait pas été modifié et donc nous avions plusieurs personnages et un narrateur à incarner. Notre but était de faire oublier aux spectateurs le narrateur et d’intégrer celui-ci aux paroles des personnages.
Exemple :
La parole est à Lord Henry qui vient d’apprendre que Dorian est amoureux.
- De qui êtes-vous amoureux ? demanda Lord Henry après un silence.
- D’une actrice, dit Dorian Gray en rougissant.
Lord Henry haussa les épaules « Voilà un début fort banal. »
Le personnage de Lord Henry, par exemple, prononcera la totalité « De qui êtes-vous amoureux ? demanda Lord Henry après un silence », le « demanda Lord Henry après un silence » étant joué et adressé comme s’il faisait partie intégrante de la réplique du personnage.
Le personnage crée ainsi une distance avec lui-même. Il est capable de s’observer et d’avoir une réflexion sur lui-même. Il n’est plus dépendant du narrateur car il l’a intégré. Et ainsi, nous avions rendu le texte dramatique en opérant une transformation afin que le texte soit disponible pour la scène, non pas par une réécriture, mais par une vision différente du personnage.
Pour le Café Des Voyageurs, le point de départ est inverse : nous partons d’une pièce de théâtre en y intégrant des éléments de l’art romanesque. Cependant, notre problématique est la même que pour le précédent spectacle : redéfinir les limites de la forme romanesque et de la forme théâtrale et par là-même explorer une nouvelle voie d’expression théâtrale afin de mieux représenter l’identité des êtres humains. Notre envie est de découvrir des écritures, des artifices théâtraux afin d’être au plus près du naturel humain car il ne suffit pas d’être naturel au théâtre pour que la vie soit représentée, bien au contraire.